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March 08, 2008

Le jeu : le travail sérieux de l'enfance

"Les jeux des enfants ne sont pas des jeux,
et il les faut juger en eux comme leurs plus sérieuses actions."
~ De Montaigne

Jouer, pour un enfant, est absolument essentiel pour un développement sain et normal. Un enfant qui ne sait pas jouer (et parfois on doit, en effet, apprendre à un enfant à jouer, car cette capacité n’est pas tout à fait innée) est mal équipé pour répondre aux exigences de sa vie quotidienne et pour surmonter à ses anxiétés et à ses insécurités. Examinons brièvement le concept du jeu afin de mieux apprécier le sérieux de ce « travail » dans la vie d’un enfant.

Quels sont les stades développementaux du jeu?

1 – 2 ans           jeu solitaire
Enfant joue seul, et on voit souvent l’apparition de l’ « objet transitionnel », une doudou qui symbolise la présence de la mère et qui devient source de réconfort


2 – 4 ans           jeu en parallèle
Enfant remarque et imite le jeu de ses amis sans trop interagir avec eux.

4 – 5 ans           jeu associatif
Enfant commence à jouer « avec » d’autres enfants, et ils font tous à peu près la même chose. (On voit souvent l’apparition de l’ « ami imaginaire », surtout chez les enfants d’une intelligence vive.) 

5 – 6 ans           jeu coopératif
Jeux de fantaisie avec plusieurs amis ou chacun assume un rôle différent.

6 ans +             groupe de jeu
Quatre ou cinq enfants jouent ensemble et le monde réel prend de plus en plus de place dans leurs jeux.





À quoi ça sert, de jouer?

L’enfant joue pour relaxer—pour gérer son stress, ses frustrations et son anxiété (dans un monde sur lequel il a si peu de contrôle!) et pour décharger le surplus de son énergie.

L’enfant joue pour combler ses propres besoins affectifs. Par exemple, l’enfant de cinq ans peut jouer à redevenir « bébé » afin de rechercher la sécurité et la simplicité de cette époque et pour avoir de la part des parents plus d’attention et de caresses.

L’enfant joue pour mieux comprendre un processus ou un événement qui lui arrive, pour se préparer pour ses propres défis, et pour explorer ses possibilités futures, dans une sorte de remue manège. Par exemple, l’enfant qui va subir une opération peut comprendre les étapes de l’opération et gérer son anxiété en jouant à l’opération avec un de ses poupées ou ses animaux en peluche.

Jouer permet à l’enfant d’explorer ses émotions face aux événements actuelles ou potentielles dans sa vie. Jouer lui permet aussi d’exprimer ses pensées et ses émotions face à ces événements, dans une espèce de catharsis, afin de diminuer ses peurs et ses anxiétés. En effet, jouer l’aide à assimiler les expériences qui sont trop grand pour « digérer » d’un coup en les « mâchant » un petit boucher à la fois. (On peut considérer l’exemple de l’enfant traumatisé qui reproduit à répétition par moyen de ses jouets des événements traumatisants dans un contexte sécuritaire).

L’enfant joue pour se sentir compétent, à la hauteur, puissant—ce qui augmente son estime de lui-même.

L’enfant joue pour surmonter l’ennui d’un environnement qui n’est pas stimulant. Il peut aussi jouer afin de compenser pour un échec ou pour une lacune—pour faire « comme si », pour utiliser la fantaisie afin de refaire les événements du passé comme il aurait voulu qu’ils soient arrivés.

Jouer sert à l’enfant comme préparation pour la vie adulte. Les enfants aiment « faire semblant » d’être des adultes, et dans leurs jeux de rôles on peut voir leurs efforts de mieux comprendre les rôles de père, de mère, et de travailleur (pompier, médecin, astronaute. . .) et de commencer à s’insérer dans le monde adulte.

Comment définir le jeu?

Définir le mot « jouer » peut sembler facile, mais sous réflexion, ce n’est pas si évident que ça ; on va dire qu’il s’agit simplement de s’amuser, mais souvent il y a beaucoup d’effort, d’intensité, de stress et même de douleur dans le jeu. En 1950, Johan Huizinga a étudié plusieurs cultures afin d’arriver à une compréhension du jeu. Selon ses recherches, « le composant essentiel du jeu, c’est ce qu’il ne produit rien dans le monde réel. » Bien sûr qu’on peut parler des « buts » dans un jeu, mais ces buts ne représentent rien dans la vie réelle. Si jamais le but devient toute la raison pour jouer, le jeu devient une tâche et donc du travail —et ce n’est plus ce qu’on entend par jouer. Huizinga a aussi découvert que le jeu exige son propre espace et temps séparés en dehors du monde réel —le « terrain de jeu », le « cercle magique », le chéquier . . . un monde imaginaire avec ses propres frontières et ses règles qui ne partagent rien de la complexité et de la confusion du monde réel. Les sentiments et les émotions reliées au jeu sont, par exemple, très réels et très intenses – on peut « écraser » l’adversaire, mais ensuite on peut rentrer à la maison avec lui en toute amitié. Donc, l’opposé du jeu n’est pas le sérieux ; l’opposé du jeu, c’est la réalité.

Comme adultes, gardons-nous toujours la capacité de « jouer » ? En effet, je suis convaincu qu’un adulte sain doit préserver une place pour le jeu ludique dans sa vie, et doit au moins une ou deux fois par semaine trouver le temps pour « jouer », même si il ne s’agit pas des mêmes actions ou passe-temps que lorsqu’il était enfant. Que faites-vous pour jouer? Peut-être que votre enfant pourrait devenir votre enseignant pour vous rappeler l’importance du jeu dans votre propre vie.

La reine des violettes africaines ... et un secret du changement thérapeutique.

Dans le travail clinique que je fais auprès des enfants et des adolescents, un parent ou un enseignant arrivera dans mon bureau pour me parler de toutes sortes de difficultés ou de problèmes - par exemple, d'un enfant qui n'écoute pas ou d'un ado qui n'aide pas à la maison – et on me demandera souvent des « trucs » pour motiver le jeune à changer son comportement. En effet, ce que j'aimerais partager avec vous est un « truc » parmi les plus puissants, que je n'utilise pas uniquement auprès de mes jeunes clients, mais aussi dans mon travail auprès des couples et des familles– et bien sûr, je dois avouer, avec mes propres enfants. Il s'agit de remarquer qu'est-ce qu'ils font bien – même s'il s'agit d'une exception plutôt rare – et ensuite, de le souligner verbalement. J'aimerais illustrer ce concept avec un récit d'un thérapeute réputé, Milton Erickson.

Dr. Erickson raconte qu'un de ses collègues lui demanda un jour d'aller voir sa mère qu'il trouvait extrêmement déprimée. Le docteur Erickson se rendit donc chez la dame, qui l'a reçu dans une salle de séjour obscure où de lourds rideaux tirés empêchaient la moindre clarté de filtrer. Durant leur conversation, elle lui confia qu'elle ne sortait qu'une fois par semaine pour aller à l'église et qu'elle rentrait toute de suite après le service. Elle n'avait pas d'amis, elle ne voyait rien de positif.

Le docteur Érickson, constatant que cette dame était effectivement très déprimée, lui demanda alors de lui faire visiter l'immense demeure qu'elle habitait. Toutes les pièces étaient aussi sombres et tristes les unes que les autres, un peu comme la vie de la dame. D'épais rideaux bloquaient toute clarté. Soudainement, ils entrèrent dans une petite pièce très éclairée. Les rideaux étaient grand ouverts et laissaient pénétrer les rayons de soleil par toutes les fenêtres. Il y avait des plantes partout dans la pièce et au moment ou la dame commença à lui expliquer qu'elle cultivait des violettes africaines à partir de boutures, Erickson remarqua que son visage s'illumina pour la première fois. Soudain, Erickson s'exclama : « Je viens de trouver un remède à votre dépression ! » Il lui proposa d'apprendre les dates d'anniversaire de tous les gens qui fréquentaient son église et simplement de leur offrir à chacun, le jour de leur fête, une de ses violettes. Ensuite elle pourrait leur expliquer comment en prendre soin.

La solution proposée par le docteur Erickson, que la dame accepta d'essayer, donna des résultats remarquables. Des années plus tard, il relata cette histoire à ses étudiants en tenant un journal jauni à la main, ou l'on pouvait lire en gros titre : « La reine des violettes africaines n'est plus. Des milliers de personnes pleurent sa disparition. » Cette dame avait pris la suggestion du docteur à cœur. Les gens qui recevaient une violette africaine en pot étaient touchés par son geste et elle s'était ainsi fait de nombreux amis. D'un petit brin de positif dans sa vie, le seul en effet, en est découlé beaucoup de changement positif. Les violettes avaient, en effet, transformé sa vie. Les étudiants du docteur Erickson lui posèrent la question : « Mais comment vous avez décidé d'utiliser les violettes africaines comme un levier pour le changement thérapeutique ? » Il répondit : « C'est simple : c'était la seule chose dans sa vie qui allait bien. »

Pareillement, c'est tellement facile pour nous de ne voir que les problèmes de comportement, les côtés « sombres » de nos enfants ou de nos élèves plutôt que nous attarder à leurs bonnes actions ou leurs bonnes qualités. Nous devons plutôt les « surprendre en train de faire quelque chose de bon » - de mettre plus d'accent sur les « violettes africaines », les exceptions positives, que sur l'obscurité, et verbaliser le positif qu'on voit afin de le renforcer et le mettre davantage en évidence. Même si le comportement positif qu'on soulève (mon enfant m'écoute, mon ado se montre responsable) s'agit d'une exception qu'on ne voit que rarement, d'y mettre l'accent augmentera les chances qu'on le revoit plus souvent. Je vous encourage à trouver vos propres « violettes » dans la vie des enfants que vous connaissez . . . même s'il faut creuser un peu !

Développer une relation thérapeutique auprès d'un enfant

« La petite Annie », née dans l'état de Massachusetts en 1866, était aveugle suite à une maladie à l'âge de cinq ans. Le père étant absent et la mère décédée, elle fût placée à l'âge de 10 ans à l'Institut Tewksbury, un orphelinat psychiatrique. Annie n'ayant pas développé des aptitudes pour s'exprimer, elle extériorisait ses frustrations physiquement, en donnant des coups de pieds. Finalement, on l'enferma dans une cellule—vraiment un cas désespéré. Pourtant, une vieille infirmière réussit à établir un lien avec elle. Chaque midi cette dame prenait son repas à l'extérieur de la cellule d'Annie et lui parlait, lui racontait des histoires. La petite Annie commença tranquillement à lui parler un peu . . . et les médecins commencèrent à voir des changements positifs et significatifs chez la petite fille.

Un peu plus tard, encouragé par ces changements, on invita Annie à aider d'autres enfants en difficultés en lui enseignant certaines techniques. À l'âge de 14 ans elle fût opérée pour la vue au Perkins Institute, une école de Boston pour les aveugles. Elle continua à progresser et à gagner le respect de ses enseignants et de ses pairs.

En 1886, elle fût recommandée par un spécialiste – qui s'appelait Alexander Graham Bell – pour devenir l'enseignante d'un autre « cas désespéré », une fille de six ans qui était sourde-muette et aveugle. C'est ainsi qu' Anne Sullivan – la petite Annie – est devenue l'amie et l'enseignante à vie de Helen Keller, qui allait devenir grâce à son influence et son dévouement, une des femmes les plus renommées au monde du début du 20ième siècle.

Helen Keller a appris à parler. Elle a été la première personne aveugle et sourde dans l'histoire à être diplômée. Elle a écrit des livres et elle a apporté de l'espoir aux personnes vivant avec un handicap physique. Elle a été honorée dans le monde entier et fût à maintes reprises l'invitée d'honneur des gouvernements et des universités. Ses livres ont été traduits dans plus de 50 langues et on a fait deux films sur sa vie.

Par conséquent on peut voir dans la vie de ces deux femmes l'importance et l'impact potentiel qu'une relation d'aide peut avoir.

Bien sûr, avant de pouvoir intervenir de façon efficace auprès des enfants, il nous faut une compréhension de leur développement normal et il faut aussi connaître le processus de changement thérapeutique. . . mais à part ces connaissances, certaines qualités personnelles peuvent faciliter notre cheminement auprès de nos clients enfants.

Pour être un bon intervenant ou thérapeute auprès des enfants, voici ce que je considère être des qualités personnelles de base :

• Un amour authentique pour les enfants – car ils vont savoir si vous trouvez votre travail auprès d'eux agréable et stimulant . . . ou si votre sourire est forcé ;


• Savoir vous faire écouter et apprécier par les enfants ;

• Un contact avec votre « enfant intérieur », la capacité de puiser facilement dans les souvenirs de votre propre enfance, y compris des conflits et des douleurs (pour ne pas confondre votre propre travail thérapeutique avec votre métier) ;


• Savoir vous mettre dans la peau de vos clients enfants, de vous identifier à eux ;


• Enthousiasme, c'est-à-dire la capacité de jouer (afin d'établir une bonne alliance thérapeutique) et une appréciation des jouets (« matériaux de jeu thérapeutiques ») ;


• Une tolérance pour l'expression ouverte de la frustration et de la colère, le bruit, les dégâts, un niveau d'énergie élevé – et en même temps, la capacité de fixer des limites claires ;


• Flexibilité, créativité, et la confiance de vous en servir ;


• La croyance que les enfants sont importants et que vos efforts pour les aider ne sont jamais inutiles, même si on ne peut pas toujours faire une différence ;


• Des instincts parentaux, c'est-à-dire de vouloir le bien-être et la protection des enfants. L'expérience parentale est également utile pour augmenter votre crédibilité auprès des parents de vos clients enfants et vous permettre de partager les difficultés d'être parent.

On voit dans les exemples de la vieille infirmière et d' Anne Sullivan l'importance des qualités personnelles et relationnelles. Elles sont souvent plus importantes et primordiales que nos compétences et connaissances professionnelles. Helen Keller a souvent parlé du premier jour où Anne Sullivan est entrée dans sa vie comme étant « la journée de naissance de mon âme ».

N'oublions jamais dans notre travail auprès des enfants la valeur du contact humain et de l'amour.